Ça y est, nous sommes arrivés au Cap Vert dimanche 18 au matin, après 5 jours (et… 15 minutes !) de navigation, dont 95 heures sous spi !
La traversée a été très agréable, le vent n’a pas été très fort mais a souvent été bien orienté pour effectuer des bords assez serrés sous spi, tout en gardant le bon cap. Et surtout la mer a été peu agitée, ce qui nous a permis de bien dormir et de bien récupérer entre les quarts de nuit.
Finalement, cette traversée, bien qu’étant la plus longue que nous ayons effectuée jusqu’à présent, a été la moins fatigante et la plus agréable de toutes !
Un petit résumé de ces cinq jours en mer :
Mardi 13 novembre
La météo nous confirme une bonne fenêtre pour la traversée vers le Cap Vert. Cependant il ne faut pas traîner à partir, car dans quelques jours les prévisions annoncent plus de vent du tout, puis une dépression sur les Canaries avec du vent de sud-ouest. Alors c’est parti ! À 10h30, nous quittons le petit port de la Restinga à Hierro. Vent faible de nord-est à nord, entre 7 et 10 nœuds. Nous ne tardons pas à envoyer le spi, ce qui nous permet d’avancer entre 5 et 6 nœuds. La mer est bien plate, il fait chaud, le bateau glisse bien malgré le chargement ! Pépère le pilote ne bronche pas et barre comme un chef ! La journée se passe tranquillement, et à 19h la nuit tombe.
Après un bon plat de spaghetti carbonara, Steph va se coucher à 19h45 (comme les poules !) et j’attaque le premier quart. Quelle belle nuit, et toutes ces étoiles filantes ! Il ne fait pas froid, mais on supporte la polaire à cause de l’humidité. Steph prend le relais de minuit à 4h, puis je finis de 4h à 8h (le jour se lève à 7h).
Mercredi 14 novembreNous sommes agréablement surpris de ne pas être fatigués !
24h après le départ, nous avons effectué 142 milles.
Aujourd’hui le vent est assez irrégulier mais souffle suffisamment quand même (entre 7 et 12 nœuds) pour avancer. Vive le spi !
En fin de matinée, je me lance dans le pétrissage d’un pain, ça m’occupe et puis il y a longtemps que je n’en avais pas fait ! Mais alors que j’ai les mains dans la pâte, Steph donne l’alerte : l’élastique qui relie la ligne de pêche au bateau vient de se tendre ! Et effectivement, on aperçoit un poisson qui gigote au bout ! Vite, j’abandonne mon pain pour aller remonter la ligne. Vais-je y arriver cette fois-ci ?! Allez, plus que quelques mètres… ça y est !!! Ah ! Je suis contente ! Ma première dorade coryphène ! Elle tombe pile poil pour le déjeuner !
Steph se charge de vider la bête et de préparer les filets.
Au passage, il laisse échapper le seau à l’eau ; quant à moi, dans le feu de l’action j’ai oublié de refermer la boîte de farine qui se renverse entièrement sur la banquette… je nettoie tout, en remet une partie dans la boîte, la repose sur la table, mais encore sans la refermer (la nouille !!!)… et rebelote, la boîte dégringole et se renverse une seconde fois sur la banquette…
Enfin bon, les filets de dorade furent délicieux (et le pain aussi !).
Toutes ces préparations culinaires nous ont bien occupés et la journée passe vite. À 17h, c’est l’heure de la douche (enfin, une mini-douche, car il faut économiser l’eau ! Pas de shampoing, donc !). À 18h c’est l’heure de l’apéro, sans alcool bien sûr : sprite et jambon espagnol. À 19h c’est l’heure des raviolis, puis extinction des feux et début de la veille de nuit. Un début de nuit magique, avec comme chaque soir le ballet nocturne de nos amis dauphins qui zigzaguent à l’étrave du bateau, en laissant des traînées phosphorescentes dans l’eau. La mer est toujours calme, la houle est faible, qu’est-ce que c’est agréable ! C’est bien de traversées comme celle-ci dont on rêvait avant de partir !
La nuit, je passe des heures à regarder les étoiles ! Je n’y connais pas grande chose en astronomie, mais on voit bien qu’en descendant vers le sud, le ciel nocturne n’est plus le même qu’au nord : de nouvelles constellations apparaissent, et la Grande Ourse (une des seules que je reconnaisse !) n’est visible qu’en toute fin de nuit, bas à l’horizon.
Jeudi 15 novembre150 milles de plus (soit 292 milles en 2 jours).
Vent de nord-est entre 10 et 12 nœuds.
Aujourd’hui pas de ligne de pêche à l’eau : on barre une bonne partie de la journée afin de suivre au mieux le vent qui n’arrête pas d’osciller. On gagne ainsi en vitesse par rapport au pilote (parce que Pépère le pilote, il est bien gentil, mais il ne tient pas compte des oscillations du vent et ne permet pas d’avoir la vitesse optimale !)
(Ce soir, c'est confit de porc... de St Gourson !)
Vers 22h, le vent semble vouloir monter, alors dans le doute on préfère affaler le spi pour la nuit, qu’on remplace par le génois. Bon, finalement, le vent n’a pas été très fort, et on aurait pu le garder…
Steph assure le premier quart, je le relaie à minuit. Pour la première fois pendant mon quart de nuit, je me plonge dans un bouquin. Le temps passe ainsi beaucoup plus vite ! Plongée dans ma lecture, j’en oublie de réveiller Steph pour son quart ! Il prend la relève à 6h et au lever du jour il revoie le spi.
Vendredi 16 novembre
161 milles de plus (soit 453 milles en 3 jours)
Et toujours pas un seul voilier ou cargo à l’horizon depuis le départ ! On se sent un peu seul ! Steph aimerait bien avoir un autre voilier en ligne de mire, juste pour le plaisir d’avoir un objectif à rattraper !
Le matin, le vent est un peu plus fort que les autres jours (entre 15 et 18 nœuds). Sous spi, le bateau avance entre 8 et 10 nœuds, avec une pointe à 12,8 nœuds pour Steph. Mais on sent bien que le bateau est chargé, il ne part pas en surf dans les vagues comme d’habitude !
On passe une bonne partie de la journée à se faire plaisir à la barre sous spi.
Au niveau latitude, nous sommes passés au sud des 20°N. Ça y est, c’est les tropiques ! Nous apercevons de plus en plus de poissons volants : ils sautent hors de l’eau, planent pendant plusieurs secondes à la surface en déployant leurs ailes, parfois même ils se servent des vagues comme tremplin pour rebondir, et hop ils replongent ! Quelles étonnantes bestioles ! Je les trouve très drôles !
Après les petits rituels quotidiens de la mini-douche, de l’apéro et du dîner, cette fois-ci la nuit est dure pour moi ! J’assure une petite veille de 1h00 à 3h30. J’ai vraiment envie de dormir ! Impossible de trouver le courage de me lever pour veiller davantage ! Je grogne, je râle, et je me rendors ! Steph, bon prince, me laisse quelques heures de sommeil en plus… merci mon capitaine. On se rend ainsi compte qu’il est important de toujours conserver le même rythme de quart : ma nuit de lecture de la veille n’a pas été une bonne idée et m’a fait veiller trop longtemps. Je le paye aujourd’hui !
Samedi 17 novembre
158 milles de plus (soit 611 milles en 4 jours)
Il reste un peu moins de 100 milles à faire. Avec un bon vent, on pourrait arriver ce soir !
Malheureusement ce n’est pas le cas : le vent faiblit de plus en plus, jusqu’à devenir très faible. Il fait très chaud, on se baigne plusieurs fois derrière le bateau. L’eau est d’une couleur incroyable et a encore gagné quelques degrés (on l’estime à 25°C). J’ouvre les yeux sous l’eau : c’est d’un bleu extraordinaire, et c’est effrayant de réaliser qu’il y a plus de 3 000 mètres sous nos pieds ! Un peu stressant quand même, et on ne traîne pas à remonter sur le bateau ! Surtout quand, quelques minutes plus tard, on aperçoit au loin derrière nous trois gros ailerons !!! Dauphins ? Orques ? Globicéphales ? Requins ? Mieux vaut ne pas savoir…
Le vent quant à lui continue de faiblir. En milieu de journée, il ne reste qu’un petit souffle, qui oscille entre l’est et le nord-est. On voudrait tellement réussir cette nav de 700 milles sans allumer le moteur ! Faire une traversée « propre », quoi ! Alors tant qu’il reste un petit souffle d’air, on se relaie à la barre, attentifs à la moindre petite risée qui peut nous faire gagner quelques dixièmes de nœuds, et on continue sous voiles ! Silence et concentration à bord…on avance entre 2 et 3,5 nœuds… par moment le spi a du mal à rester gonflé. Non non et non, on ne mettra pas le moteur !
Le vent faible - puis nul - aura finalement raison de nos nerfs. Après calcul, on n’a pas le choix : il reste 75 milles à parcourir, et si on veut arriver au mouillage demain avant la tombée de la nuit, il faut au moins avancer à 4 nœuds. Alors à 18h on craque, et un peu déçus on finit par l’allumer ce p… de moteur.
Allez, c’est pas grave, on se dit qu’on a quand même eu de la chance, avec dans l’ensemble de bonnes conditions pour traverser (contrairement à certains, dont je ne citerai pas les noms, qui ont passé leur temps à jouer au monopoly pendant plus de 7 jours, et qui en plus n’ont rien pêché !!!!!…)
Après une bonne sieste réparatrice, c’est l’heure de la mini-douche et ce soir on s’offre même le luxe d’un shampoing, quel bonheur !
Et puis comme le moteur est en route, pas besoin de faire attention à économiser l’énergie, alors ce soir c’est lumière à volonté et musique à bord !
Dimanche 18 novembre
Terre !!!
Après avoir navigué toute la nuit au moteur, nous arrivons à l’île de Sal à 10h45 (T.U.), à baia de Palmeira.
On est bien content d’être là, et les premières odeurs nous rappellent le Maroc !
Aux Canaries, on disait qu’il faisait chaud, mais ici c’est encore un cran au-dessus !
Nous gonflons l’annexe et allons faire une première découverte du petit village de Palmeira.
Ouahou ! Là, j’ai bien compris : on est plus en Europe, mais bien en Afrique ! Le changement est radical ! Les premiers contacts avec les locaux ne tardent pas et l’accueil sympathique et convivial des CapVerdiens dont on nous avait parlé se confirme bien !
Vers 18h, lorsqu’il se met à faire un peu moins chaud, tout le monde est de sortie dans les rues, musique au rendez-vous, et l’ambiance devient festive !
Après avoir fait un petit tour en voiture dans l’île avec Michel notre voisin de mouillage, nous rentrons au bateau pour une bonne nuit de sommeil (il y en a à rattraper !), et nous nous endormons avec la musique CapVerdienne en guise de berceuse !
A bientôt pour d’autres nouvelles si l’on parvient à trouver de l’Internet haut-débit, car cela ne semble pas courir les rues ici ! Alors ne soyez pas trop pressés !